.... … Tout à coup ils s’arrêtèrent tendant l’oreille et moi aussi alerté par le bruit d’une course rapide et d’arbustes bousculés. Le boussolier surgit en courant la bouche grande ouverte, cherchant de l’air et surtout de l’aide, il était à bout de souffle, les yeux écarquillés par la crainte. La peur déformait sa face, sa peau noire était devenue blanche de frayeur et rouge d'épuisement, ses yeux éparpillés de terreur semblaient se déplacer parcourant la surface entière de son visage ravagé. Il ouvrait en regardant à travers le sous bois un œil hagard qui cherchait de l’aide tandis que l’autre se tordait, s’efforçant à sortir de la tête comme pour voir derrière et mesurer l’ombre hideuse qui le pourchassait ! Nous dépassant il hurla « Wandamina nzogou, attention l’éléphant ! » Dans ces situations le cerveau fonctionne à la vitesse de l’éclair, on évalue très vite toutes les possibilités, il y en avait trois. Courir avec le boussolier mais un éléphant lancé est plus rapide qu’un homme, il pourrait nous rattraper avant d’arriver au bout du layon où la pente l'arrêterait. Il connaît ses faiblesses et ni sa force ni sa taille ne se risqueraient vers où est le danger, son poids pourrait l’entraîner dans une chute mortelle. Descendre vers le bas fond mais dans la hâte nous pourrions nous blesser gravement en glissant et en tombant, c’était aussi valable pour lui que pour nous, la dégringolade pouvait être fatale ! Dernière solution, lâcher carnets et machettes pour avoir les mains libres et grimper le plus vite possible vers la crête où nzogou ne pourrait nous suivre, son poids le tirerait vers l’arrière. Arthur et Luc semblaient hésiter aussi et réfléchir très vite. Nous avons démarré au même moment dans un ensemble parfait, comme si nous nous étions concertés pour un départ de course. Patinant et glissant, les doigts plantés dans le sol mouillé pour ne pas redescendre sur le ventre, en un temps record nous étions en sécurité à mi-chemin de la crête escarpée où le mastodonte ne pourrait nous atteindre. Dans ces situations le cerveau fonctionne à la vitesse de
l’éclair, on évalue très vite toutes les possibilités, il y en avait trois.
Courir avec le boussolier mais un éléphant lancé est plus rapide qu’un homme,
il pourrait nous rattraper avant d’arriver au bout du layon où la pente
l'arrêterait. Il connaît ses faiblesses et ni sa force ni sa taille ne se
risqueraient vers où est le danger, son poids
pourrait l’entraîner dans une chute mortelle. Descendre vers le bas fond
mais dans la hâte nous pourrions nous blesser gravement en glissant et en
tombant, c’était aussi valable pour lui que pour nous, la dégringolade pouvait
être fatale ! Dernière solution, lâcher carnets et machettes pour avoir
les mains libres et grimper le plus vite possible vers la crête où nzogou ne
pourrait nous suivre, son poids le tirerait vers l’arrière. Arthur et Luc semblaient hésiter aussi et réfléchir très
vite. Nous avons démarré au même moment dans un ensemble parfait, comme
si nous nous étions concertés pour un départ de course. Patinant et glissant,
les doigts plantés dans le sol mouillé pour ne pas redescendre sur le ventre,
en un temps record nous étions en sécurité à mi-chemin de la crête escarpée où
le mastodonte ne pourrait nous atteindre. Quelques secondes après Pierre arriva en courant comme une vieille gazelle qu’une panthère pourchasse, les yeux exorbités, cherchant douloureusement à trouver de l’air. Je le voyais du haut de mon refuge précaire, accroché en équilibre instable à un arbuste fragile sur le flanc glissant de la crête, priant pour que les racines résistent au surplus de pression que je leur imposais. Face au danger de mort encouru par un autre l’envie de rester vivant donne d'étranges élans. J’aurais voulu descendre pour aider le vieux et j’en étais incapable ! Les mains collées par la peur je serrais l’arbuste de plus en plus fort. Du haut de mon perchoir je ressentais son angoisse, il n’était plus qu'anxiété et toute la forêt n’entendait que ses mots « Nzogou veut me tuer ! » Il criait à l’animal furieux son immense terreur comme pour l'arrêter. Nous l’exhortions à nous rejoindre le plus bruyamment possible mais tout son être n'écoutait que l’éléphant qui se rapprochait. Cette masse ondulante de rage meurtrière
était poussée par l’envie de tuer et rattrapait le vieux Pierre. L’éléphant
était prêt à occire cet homme qui fuyait devant lui. Les oreilles collées à la
tête, son corps ondoyant de fureur criminelle il n’était plus que violence et
destruction. Je ressentais à l’abri de mon frêle perchoir les ondes funestes
qu’il dégageait, les assala vivent en groupe solidaire et celui-ci avait
certainement eu peur pour ses petits, il était prêt à mourir pour les défendre.
Il n’était que courroux, les humains étaient un danger pour sa progéniture et
il devait l’écarter ou le détruire. Il connaît sa force, en forêt tous le
respectent, ces pantins bruyants osaient le déranger et l’inquiéter, il allait
se battre à mort pour défendre ce pourquoi il existe. Nzogou était en guerre,
la puissance des feux grondants sous la terre animait cette statue de chair
colossale, l’éléphant s’était senti agressé et chargeait prêt à faire une
hécatombe. Le vieux Pierre le savait, Nzogou était maintenant à vingt mètres de
lui. Les yeux de cet homme soudain devenu vieux appelaient au secours dans un
hurlement d’outre-tombe. Impuissant je regardais la scène, que faire sinon
sauver sa propre existence de ce tourbillon de massacre ? La forêt
elle-même attendait l’inéluctable en retenant son souffle, tout n’était que
silence, silence de mort. L’angoisse emplissait la forêt entière de stridences
insoutenables, cette masse de muscles déchaînée aux oreilles collées à un crâne
frémissant de violence serrait de plus en plus prés le vieil homme essoufflé.
L’odeur de la mort étouffait le vieux Pierre, elle était si proche qu’il en
suffoquait. Nous ne pouvions que voir se dérouler le drame, nulle arme ne
pouvait arrêter l’éléphant et nous n’avions que nos petites machettes. Ce Titan
démesuré est passé devant nous en courant, le vieux était devant, la mort
collait à ses pieds. L’onde de choc des pas de l’éléphant martelait les esprits
des hommes de visions monstrueuses, comme elle faisait trembler ensemble le sol
et l’humain. Il fallait qu’il lui échappe, il refusait de mourir mais
n’avait ni le temps d’arriver au layon ni la force de grimper. Attrapant au vol
un arbuste de sa main droite, il pivota d’un coup et se lança dans la pente
vers le bas fond où il pouvait se tuer. Un vulgaire faux pas et la vie de cet
homme était terminée. Son élan le fit chuter. Après un roulé-boulé de jambes et
de bras éparpillés il se retrouva sur le dos et glissa en hurlant sa rage et sa
souffrance jusqu’au choc contre un arbre dont nous reçûmes en écho le bruit
angoissant et les cris de douleur. L’assala continua sur sa lancée et s’arrêta
au layon à l’endroit où la pente risquait d’entraîner ses trois tonnes de
férocité. Il passa sa rogne sur des arbustes qu’il arrachait ou cassait en grondant puis, nous insultant à grands coups de trompette il repartit dans l’autre sens en roulant des épaules… ..... |