................. Au milieu de tant de vies, tu verras la tienne, tu apprendras à te laisser guider par ce qui est toi! Ce que la savane ne peut pas te dire, la forêt te le montrera quand tu sauras écouter ton âme !
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J’étais le client assidu d’un
pêcheur installé sur les berges d’un vaste lac né du débordement de la rivière
pendant la saison des pluies où perçaient à la surface de l’eau les îlots de
verdure de quelques bosquets d’épineux et de rares arbres rugueux aux troncs et
branches distordues par la rigueur des périodes de sécheresse. En échange d’un
petit pécule il m’emmenait à son bord visiter son domaine et seul le bruit de
la pagaie cognant doucement contre la pirogue me rappelait sa présence
discrète, j’étais en paix ! Celle qu’apporte le spectacle de la nature
quand on s’en empreint en admirant sans les perturber les ballets aériens
qu’improvisent les oiseaux virtuoses. Ils étaient en foule rapide ou empesée,
des échassiers parfois quelques cigognes et de grands pélicans décollaient
lourdement plus souvent pour manifester le désagrément d’être déranger avant de
passer à table que sous l’effet d’une surprise fortuite ou d’une crainte malvenue.
Les hirondelles dansaient animant la surface du lac des reflets acrobatiques de
leur ballet vif et incessant ponctué de cris de victoire ou de jubilation en rasant
l’avant de la pirogue et le dessus de nos de têtes. Les martins pêcheurs de
leurs vols stationnaires tombaient comme la foudre sur les flèches d’argent que
lance le soleil aux écailles des poissons. Les canards innombrables pédalaient
un moment en surface en cancanant de rancune puis décollaient en gerbes
dispersées nasillant l’embarras dans lequel les plongeait ma visite importune.
Les aigles pêcheurs derrière leurs masques noirs semblaient surveiller tout ce
monde en repérant leurs proies, perchés sur une branche ou en planant lentement
au-dessus du lac et des multitudes turbulentes. Ils prenaient leur temps pour
agir comme celui qu’il fallait pour déguster leurs prises. Savoir le bon
moment, celui qui fait le succès de ses entreprises, j’ai tâché d’apprendre
d'eux cette notion du temps mais ne suis pas très sûr de l’avoir bien comprise.
La pièce de bois sur laquelle nous flottions sans un murmure ne dérangeait pas
vraiment ces moments de vie insolites, j’en faisais partie, je volais moi
aussi. Loin des crétineries de mes camarades et des miennes, celles que l’on commet
pour passer le temps et le gaspiller en agissements futiles, je restais sur le
lac jusqu’au coucher du soleil quitte à perdre conscience de moi-même dans la
grandeur où communient les éléments.
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................. ... Dans ces endroits j’ai pour la première fois approché à pied un éléphant. Nous le regardions depuis la voiture se nourrir des feuilles d’un gros arbre au tronc court et aux branches basses. Je voulais le voir de plus prés, le garde chasse qui nous accompagnait a rapidement convaincu mes parents que nous ne prendrions aucun risque. Nous sommes partis sans armes jusqu’à une quarantaine de mètres de l’endroit où il se nourrissait. Les herbes séchées calcinées par le soleil étaient beaucoup moins hautes qu’en saison des pluies et ne nous camouflaient plus, nous risquions d’énerver le mastodonte qui forcément savait notre présence, après un bref moment d'observation il est retourné à ses agapes. Ce cabotin m’a donné un spectacle étonnant. N'arrivant pas à saisir des feuilles dont à priori il avait très envie, il s’est dressé sur ses arrières en s'appuyant d’une patte contre le tronc, l’autre pendant élégamment en l’air pointée dans notre direction. Ce monument de muscles semblait vouloir danser, voler peut-être, tant l'ensemble de son mouvement était d’une légèreté surprenante. Puis avec une grande précaution, comme s’il cherchait un endroit précis, il a saisi d’une trompe délicate la branche qu’il convoitait. Reprenant sa position première d’un puissant mouvement de tête faisant onduler ses grandes oreilles rappelant la nage évaporée des raies manta il a séparé la branche du tronc... Après un bref coup d’œil pour s’assurer que les spectateurs avaient aimé sa prestation il a commencé sa dégustation. Rien en lui n’était agressif, aucun témoignage de nervosité, on ne le dérangeait pas bien au contraire, il faisait tout en souplesse. J’éprouvais en admirant sa délicatesse les mêmes sentiments, les mêmes sensations qu’en approchant les kobas. Nous n’avions pas d’intentions belliqueuses, il devait le savoir. C’était la première fois que je pouvais voir d'aussi prés et dans son élément naturel le plus grand des mammifères terrestres.
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